Les tendinopathies
Tendinopathies ou tendinites ? Physiopathologie et prise en charge
Définition : évolution du terme tendinite à tendinopathie
Les connaissances sur les tendinopathies et leur prise en charge ont beaucoup évolué. Le terme « tendinite » qui impliquait une réaction inflammatoire comme mécanisme principal est aujourd'hui, remplacé par « tendinopathie ». Les théories actuelles suggèrent que des charges excessives chroniques ou un stress aigu sont responsables des modifications structurelles. Ces changements peuvent être réversibles ou évoluer vers une cicatrisation défectueuse, puis une dégénérescence tendineuse.
Les tendinopathies se manifestent généralement par une triade symptomatique : douleur à l’étirement, douleur lors des contractions isométriques et douleur à la palpation.
Depuis 2009, le modèle de « continuum des tendinopathies » est devenu une référence dans la littérature, divisant la pathologie en trois stades évolutifs successifs : La tendinopathie réactionnelle, le remaniement tendineux et la tendinopathie dégénérative.
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La tendinopathie réactionnelle
La tendinopathie réactionnelle est le premier stade du continuum. Elle se produit en réponse à une augmentation soudaine de la charge sur le tendon, due par exemple à une intensification rapide de l'entraînement, une activité inhabituelle chez une personne sédentaire ou un traumatisme direct. La réaction cellulaire est principalement non-inflammatoire, mais elle entraîne une production accrue de protéoglycanes, qui retiennent l’eau et produisent une image échographique caractéristique de l’épaississement tendineux. Ce stade est complètement réversible, permettant une adaptation rapide aux charges.
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Les remaniements tendineux
Le second stade implique des changements structurels plus profonds, où une surcharge prolongée entraîne une désorganisation de la matrice et une prolifération cellulaire. Cela se traduit par un épaississement localisé et hétérogène visible à l’échographie, avec une vascularisation accrue. La gestion précoce de la charge et un programme de rééducation adapté peuvent aider à inverser ces modifications.
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La tendinopathie dégénérative
Le troisième stade, ou tendinopathie dégénérative, résulte d’une surcharge chronique entraînant l'apoptose cellulaire et une déstructuration importante de la matrice. Le tendon devient alors fragilisé, à risque de rupture, et présente une prolifération vasculaire et neuronale notable. À ce stade, le tendon est plus vulnérable aux récidives et peut nécessiter des traitements biologiques complémentaires comme les ondes de choc ou les injections de plasma riche en plaquettes pour optimiser la régénération.
Récemment, Cook et Purdam ont ajusté leur modèle, montrant que les lésions tendineuses sont plus complexes et qu’un même tendon peut présenter simultanément des zones réactionnelles et dégénératives. Ce constat permet une approche thérapeutique personnalisée, visant d'abord à soulager la douleur, puis à renforcer la structure tendineuse par une réhabilitation physique adaptée.
En conclusion, les découvertes récentes ont permis de développer des stratégies thérapeutiques avancées, associant antalgie et régénération structurelle pour limiter les récidives et restaurer la fonctionnalité optimale du tendon.
Gestion de la douleur dans les tendinopathies
Les traitements antalgiques apportent souvent une amélioration clinique à court et moyen terme. Cependant, administrés isolément, ils montrent peu d'effets bénéfiques à long terme, en raison de la persistance de la structure tendineuse altérée, ce qui entraîne une forte prévalence de récidive.
Le premier traitement consiste à supprimer la cause de la lésion par un repos du tendon et une approche de type « wait-and-see ». Pour les athlètes de haut niveau, il est possible de réduire l’intensité de l’entraînement sans dépasser le seuil douloureux, permettant ainsi un repos relatif. Un équilibre est nécessaire entre un repos suffisant et une immobilisation prolongée : un repos adapté favorise la guérison clinique, alors qu’une immobilisation excessive fragilise le tendon en raison du manque de stimulation.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), tels que l'ibuprofène, sont le traitement de premier choix en phase aiguë. En plus de leurs effets antalgiques, ils réduisent la réponse cellulaire et la synthèse des protéoglycanes responsables de l'œdème intratendineux. Toutefois, leur usage prolongé est déconseillé en raison de risques de complications gastro-intestinales, d’hypertension et de perturbations rénales.
En phase chronique, les AINS sont moins efficaces, car les cellules inflammatoires se raréfient.
Les infiltrations de corticostéroïdes, bien que couramment utilisées, ont une efficacité limitée à long terme. La revue de Coombs et al. montre que, pour les épicondylites, les corticostéroïdes offrent des résultats inférieurs en termes de réduction de la douleur et d’amélioration de la fonctionnalité après 26 semaines, comparés aux traitements « wait-and-see », AINS, thérapie manuelle, ou PRP. Des injections répétées (3–4 sur 6 à 18 mois) semblent moins efficaces qu’une injection unique.
Les corticostéroïdes comportent aussi des risques d'effets secondaires, tels que l'atrophie du tissu sous-cutané (9 %), les douleurs résiduelles (8 %), la dépigmentation locale (< 1 %) et, rarement, la rupture tendineuse. Ils sont également moins efficaces sur les tendons dégénératifs en raison de la faible composante inflammatoire. Un essai contrôlé sur les tendinopathies patellaires a observé une amélioration similaire à 12 semaines entre trois groupes (injection de corticostéroïdes, programme excentrique et programme de charges lourdes), mais les effets des corticostéroïdes diminuent après 6 mois. De plus, les corticoïdes réduisent la concentration en collagène, perturbent l'homéostasie tendineuse et ralentissent la cicatrisation, ce qui explique leur taux élevé de récidive.
Enfin, la contraction isométrique soutenue est efficace pour la gestion de la douleur. L'étude de Rio et al. chez des athlètes a montré qu'une contraction isométrique du quadriceps (5 répétitions de 45 secondes avec une flexion du genou à 60°) diminue immédiatement la douleur et l’inhibition motrice corticale, augmentant la force et la fonction. Cook et Purdam [8] soutiennent aussi cette approche pour les athlètes, car elle permet un effet antalgique prolongé, permettant de maintenir l’entraînement. En cas de tendinopathie hyperalgique, l'exercice peut être adapté en utilisant une position bipodale avec une réduction du temps de contraction et des répétitions.
En conclusion, le contrôle de la douleur dans la tendinopathie nécessite une approche multimodale, adaptée au stade et à la sévérité de la lésion, et vise à la fois le soulagement de la douleur et la préservation de la structure tendineuse.
Conclusion
Les tendinopathies doivent être abordées de manière globale, en tenant compte des facteurs biomécaniques ou environnementaux (axes corporels, raideurs, matériel sportif inadéquat). L’implication du patient est cruciale, non seulement pour favoriser la guérison, mais aussi pour assurer la durée du traitement. Les exercices excentriques, en particulier, nécessitent un engagement pluriquotidien. Une contraction isométrique préalable peut aider à améliorer la tolérance et l’adhésion du patient aux exercices.
L'objectif principal de la prise en charge reste la réduction de la douleur et la récupération fonctionnelle. La normalisation radiologique n’est pas une priorité, car la corrélation entre imagerie et clinique est limitée.
Enfin, bien que les anomalies échographiques soient un facteur de risque de tendinopathies symptomatiques, le dépistage préventif reste controversé. Chez les athlètes, de nombreuses anomalies apparaissent à l'imagerie sans pour autant se traduire par des symptômes, et aucun consensus n’existe sur le degré de modifications échographiques justifiant un traitement prophylactique.