Coup du lapin (Whiplash) et douleurs cervicales chroniques
- Charbel Jean KORTBAWI DO, MSc.

- 1 sept.
- 6 min de lecture
Pourquoi la douleur persiste et comment la soigner ?
Introduction
Le coup du lapin, médicalement désigné sous le terme de lésion par accélération–décélération cervicale, survient le plus souvent lors des accidents motorisés, lorsque le cou est soumis à des mouvements rapides d’extension–flexion. Cela peut entraîner des lésions de la musculature cervicale, des ligaments, des disques et des articulations zygapophysaires, conduisant parfois à des symptômes persistants regroupés sous l’appellation de symptômes chroniques après coup du lapin [1].
Si de nombreux patients récupèrent en quelques semaines, une proportion significative — 15 à 50 % — développe des douleurs et des incapacités persistantes, durant des mois voire des années [2,3]. Des études épidémiologiques montrent que près de la moitié des patients souffrant de cervicalgies chroniques attribuent leurs symptômes à un accident de la voie publique (AVP) antérieur, soulignant le lien étroit entre coup du lapin et chronicité [4].


Mécanismes sous-jacents responsable de la douleur
Altération des muscles et des articulations : générateurs des douleurs.
Les articulations zygapophysaires cervicales sont des contributeurs bien établis des symptômes chroniques après coup du lapin. Des études ont montré que la douleur facettaire est impliquée chez 74 % des patients souffrant de symptômes chroniques après coup du lapin. Ces résultats ont été obtenus grâce à des blocs anesthésiques diagnostiques, une technique qui consiste à injecter un anesthésique local directement dans les articulations cervicales pour identifier la source exacte de la douleur, et ce de manière contrôlée par placebo, afin de confirmer que la douleur provient bien des articulations ciblées [5].
Cependant, les structures musculaires cervicales jouent également un rôle essentiel dans la persistance des douleurs post-traumatiques. Les lésions musculaires directes, les microdéchirures et la fibrose secondaire peuvent entraîner une sensibilisation locale et une douleur chronique. Par ailleurs, de nombreux travaux ont montré la présence de points gâchettes myofasciaux dans les muscles cervicaux (notamment le trapèze supérieur, le sterno-cléido-mastoïdien et les muscles profonds fléchisseurs du cou) chez les patients souffrant de symptômes chroniques après coup du lapin [6]. Ces points douloureux contribuent non seulement à la douleur locale, mais aussi à des phénomènes de douleur référée et à la restriction de mobilité cervicale.
Les études d’imagerie, notamment par IRM et échographie, ont également révélé des modifications structurelles et fonctionnelles des muscles cervicaux après un traumatisme en accélération–décélération : infiltration graisseuse, altération du contrôle neuromusculaire et diminution de l’endurance et de la force musculaire [7]. Ces altérations peuvent expliquer la tendance à la chronicisation et les difficultés de récupération complète chez certains patients.
Sensibilisation centrale, facteurs psychosociaux et impact sur la vie quotidienne
Les symptômes chroniques après un coup du lapin ne s’expliquent pas uniquement par des lésions périphériques. Des recherches ont montré qu’une hypersensibilité sensorielle apparaît très tôt après la blessure et est associée à une récupération défavorable [6]. Ce phénomène, appelé sensibilisation centrale, correspond à une amplification des signaux de douleur par le système nerveux central, même en l’absence de lésions tissulaires détectables. Il peut provoquer une douleur persistante, exagérée ou déclenchée par des stimuli normalement indolores [6].
Les facteurs psychologiques et cognitifs jouent également un rôle majeur dans l’évolution des symptômes. Une étude prospective a montré qu’une douleur initiale intense et un haut niveau de catastrophisation (tendance à anticiper le pire et à amplifier les conséquences négatives de la douleur) sont fortement associés au développement de céphalées post-traumatiques après coup du lapin, la catastrophisation augmentant le risque de manière significative (x15) [7]. Ces données soulignent l’importance d’évaluer précocement les croyances liées à la douleur et les stratégies d’adaptation dès la phase aiguë.
Enfin, l’impact du coup du lapin sur le quotidien des patients est considérable. Une étude qualitative auprès de 349 patients a montré que cette affection modifie la perception du corps, perturbe la vie quotidienne et influence le parcours de rétablissement des patients chroniques
[8]. Cela illustre l’impact biopsychosocial profond du coup du lapin et soulignent la nécessité d’approches thérapeutiques adaptées.

Traitement et prise en charge des douleurs cervicales chronqiues: preuves et recommandations
Thérapies manuelles (ostéopathie) et rééducation physique
Les données issues du protocole OPTIMa (Ontario Protocol for Traffic Injury Management) et d’autres recommandations indiquent que la thérapie manuelle (mobilisation/manipulation) sont bénéfiques dans les cervicalgies post–coup du lapin aiguës et chroniques de grades I–II [9].
Les programmes d’exercices de renforcement musculaire supervisés sont également bénéfiques et recommandés chez les patients.
En revanche, les modalités passives telles que les ultrasons, la diathermie, l’hydrothérapie et certaines approches d’acupuncture présentent un bénéfice limité ou nul et ne sont pas recommandées en tant qu’interventions isolées [9].
Rééducation fondée sur les neurosciences de la douleur
Les approches modernes de rééducation se concentrent sur les mécanismes centraux de la douleur. Un essai clinique randomisé majeur de 2025 a montré qu’une approche combinant éducation sur la douleur, gestion du stress et exercices cognitifs, réalisés de manière contingente — entraînait des améliorations supérieures en termes de handicap, de sensibilisation centrale et de kinésiophobie, comparativement aux soins habituels. Le groupe MPNA présentait également une meilleure rentabilité et une probabilité plus élevée d’amélioration après traitement[11].
Des données complémentaires portant sur les cervicalgies chroniques non spécifiques confirment que l’association éducation sur la douleur + exercice réduit plus efficacement le handicap, la catastrophisation et la peur du mouvement que l’exercice seul [12].
Approches interventionnelles
Chez les patients souffrant de douleur d’origine facettaire, les blocs des branches médiales et la neurotomie par radiofréquence demeurent des stratégies interventionnelles validées, permettant souvent un soulagement significatif de la douleur et une amélioration fonctionnelle [5].
Implications cliniques
Identification précoce des risques : une douleur initiale intense et la catastrophisation sont de puissants prédicteurs de mauvais pronostic ; leur dépistage précoce permet une intervention ciblée [7].
Prise en charge multimodale : l’approche optimale combine éducation, rééducation active, thérapie manuelle et, si indiqué, interventions ciblées.
Éviter les soins à faible valeur ajoutée : les modalités passives sans preuves solides doivent être limitées au profit d’approches actives et centrées sur le patient [9].
Prise en compte des mécanismes centraux : l’intégration de l’éducation sur la douleur, de la gestion du stress et de principes cognitivo-comportementaux aide à cibler la sensibilisation centrale et les croyances inadaptées [11,12].
Approche biopsychosociale centrée sur le patient : reconnaître et traiter le vécu des patients est essentiel pour un rétablissement global [8].
Conclusion
La cervicalgie chronique post–coup du lapin est multifactorielle, résultant à la fois de mécanismes périphériques (p. ex. douleur facettaire) et de processus centraux (p. ex. sensibilisation, détresse psychologique). Les preuves actuelles favorisent clairement une prise en charge active et individualisée. L’identification précoce des patients à risque, la mise en place d’une prise en charge multimodale sont essentielles.
Personellement, je combine dans mon traitement :
La thérapie manuelle et l’ostéopathie
Grâce à mes diplômes et formations en neurosciences et gestion de la douleur, une éducation thérapeutique, stratégies de gestion de la douleur et rééducation centrée sur les mécanismes neurophysiologiques, afin d’offrir un traitement complet et personnalisé à chaque patient.
Références
Sterling M. Physiotherapy management of whiplash-associated disorders (WAD). J Physiother. 2014;60(1):5–12. PMID: 24503214.
Carroll LJ, Holm LW, Hogg-Johnson S, et al. Course and prognostic factors for neck pain in whiplash-associated disorders (WAD). Spine (Phila Pa 1976). 2008;33(4 Suppl):S83–92. PMID: 18204389.
Walton DM, MacDermid JC, Giorgianni AA, et al. Risk factors for persistent problems following acute whiplash injury: update of a systematic review and meta-analysis. J Orthop Sports Phys Ther. 2013;43(2):31–43. PMID: 23322093.
Freeman MD, Croft AC, Rossignol AM. Whiplash associated disorders: redefining whiplash and its management. Spine (Phila Pa 1976). 1998;23(9):1043–9. PMID: 9580931.
Lord SM, Barnsley L, Wallis BJ, Bogduk N. Chronic cervical zygapophysial joint pain after whiplash. A placebo-controlled prevalence study. Spine (Phila Pa 1976). 1996;21(15):1737–45. PMID: 8855458.
Sterling M, Jull G, Vicenzino B, Kenardy J. Sensory hypersensitivity occurs soon after whiplash injury and is associated with poor recovery. Pain. 2003;104(3):509–17. PMID: 12927623.
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Crestani M, Cook C, Ceccarelli E, et al. “I’m Not the Same as I Was Before”: A Qualitative Evidence Synthesis Exploring the Experiences and Perceptions of Patients Living With Whiplash-Associated Disorders. J Orthop Sports Phys Ther. 2025;55(9):1–19. PMID: 40879621.
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Charbel Jean Kortbawi DO, MSc.
Ostéopathe - Gestion de la douleur chronique - Sport
Diplôme Français d'ostéopathie
Master 2 Neurosciences du mouvement
Diplôme Universitaire Gestion de douleur chronique
Diplôme Universitaire Douleur et motricité humaine
Diplôme Universitaire Anatomie clinique et imagerie




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